jeudi 21 octobre 2010

Jacques Attali, expert en acquiescement

La dépense publique est-elle l’ennemie de l’activité économique ? Jacques Attali le prétend, qui propose d’amputer cette dépense de 50 milliards d’euros en trois ans, afin de « libérer la croissance ». Or on cherche vainement, dans les 176 premières pages de son rapport au Président de la République, un argumentaire crédible justifiant cette assertion. Il faut atteindre la page 177, la dernière, pour découvrir la clé de sa conviction. Elle figue en bonne place dans la lettre de mission que l’expert en tout ou presque avait reçue du Chef de l’Etat et du Premier ministre :
« Vos propositions devront s’inscrire pleinement dans le cadre du rétablissement de l’équilibre de nos finances publiques. Vous pourrez proposer toutes les mesures que vous jugerez pertinentes pour réduire la dépense publique et améliorer l’efficacité des services publics. »
Il devenait inutile, voire insolent, d’expliquer pourquoi et comment, dans un pays en panne de consommation, une réduction de la dépense publique pourrait demain « libérer la croissance ». Jacques Attali a préféré évoquer le passé des sept pays qui, dans les années 1990,  freinèrent leur dépense publique : Suède, Canada, Nouvelle Zélande, Finlande, Danemark, Italie et Irlande. 
Il cite deux sources en renvoi de note. La première est trop vague pour être retrouvée : « OCDE, 2010 »… La deuxième est un peu courte : il s’agit d’un papier de la banque Natixis analysant « les caractéristiques des consolidations budgétaires réussies ».
Les « réussites » en question sont cependant sujettes à caution et d’imitation délicate. Tous ces pays, remarque Natixis, ont commencé par enclencher une politique monétaire agressive. Le Canada, par exemple, dévalua de près de 30% par rapport au dollar des Etats-Unis, durant la décennie 1990. 
On ne s’étonnera donc pas, qu’il ait profité à plein de la reprise économique américaine des années Clinton. A côté de ce puissant moteur,  l’effet « dépense publique » n’est pas mesurable.  
 La Suède a certes drastiquement réduit sa dépense publique durant la décennie 1990. Mais celle-ci partait de si haut – plus de 70% du PIB en 1993 ! – qu’elle ne fut pas ramenée au niveau français avant… 2007. Où placer le curseur de la dépense pour assurer la reprise ? 
Au demeurant, il y a plus d’une manière de mesurer le poids de la dépense publique. Rapportée au PIB, celle-ci place la France au 4ème rang européen. Notez alors que les trois pays qui en font plus – Danemark, Finlande et Suède - sont cités comme des exemples à suivre par le rapport. Comprenne qui pourra.
 Mais si l’on mesure la dépense publique par habitant, ce qui n’est pas moins pertinent, alors la France n’est plus qu’à la dixième place au classement de l’Union européenne à 27 pays, et donc dans le peloton de queue parmi les quinze pays les plus développés de l’Union. Troublante observation.

  Des idées toute faites émaillent ainsi le rapport Attali. On y lit par exemple que « le coût du travail est un facteur établi de perte de compétitivité d’un pays » (p.21). Ou encore que « le niveau des charges sociales défavorise notre pays dans la concurrence internationale et freine la création d’emplois ».
Or ce qui compte, dans la compétition internationale, ce n’est pas le poids des charges sociales mais le coût total du travail, rapporté à la productivité de la main d’œuvre. En France, où les charges sociales sont lourdes mais les salaires relativement bas, le coût horaire du travail est loin de battre des records - bien que la productivité d’un salarié français soit supérieure de 21% à la moyenne européenne. 
 Enfin, p.57, le rapport hésite entre deux options pour l’assurance dépendance des personnes âgées. La première est une assurance privée obligatoire. La seconde est une assurance privée facultative. Il n’est pas indiqué comment cette dépense privée, alourdie par les coûts de gestion prohibitifs, favorisera la croissance économique. Le temps manquait à l’expert.

Source

1 commentaire:

  1. http://legaysavoir.blogspot.com/2010/10/sm-vs-fm.html
    d'autres solutions s'imposent !

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