lundi 11 juillet 2011

L'absurde combat de l'Europe contre les agences de notation

Extraits de cet article mis en ligne sur Marianne2.fr

(...)
L'indignation des dirigeants européens serait d'ailleurs bien plus crédible si ces derniers n'avaient, ces dernières années, constamment œuvré pour renforcer le pouvoir de ces agences. Ainsi, c'est bien lors des récents accords de Bâles (dit Bâles II), transposés en directive européenne en 2006, que les agences de notations se sont vues officiellement attribuées un rôle de régulateurs par les autorités européennes. Grâce à cette directive entrée en application le 1er janvier 2007, l'Europe a obligé les banques à tenir compte des évaluations des agences pour calculer le risque de créance et constituer leurs réserves. De fait, cette directive contraint les banques européennes à retirer de leur bilan toutes les créances dont la note est dégradée, rendant encore plus difficile le financement des États en difficulté.

Mais, plus généralement, l'Europe est victime de l'absurdité de ses propres règles dont la logique a conduit à la privatisation de l'ensemble des systèmes de financement des États. Car si les agences de notation ont le pouvoir de mettre un État en faillite, c'est bien parce que les règles européennes actuelles imposent aux membres de l'UE de faire exclusivement appel aux institutions privées pour se financer. Ainsi, contrairement à ce qu'on trouve chez les autres puissances économiques (en particulier aux États-Unis) il est interdit à la Banque centrale européenne de financer les déficits publics. De même, la solidarité entre partenaires européens est limitée au strict minimum (rappelons au passage que les « aides » attribuées à la Grèce sont des prêts rémunérés à un taux de 4,2%). La situation européenne est absurde au point d'accorder aux banques privées un taux de refinancement public de 1,5% (taux de la BCE) tandis qu'elle interdit de facto à ces mêmes banques de prêter à moins de 5% (prix du risque oblige) aux pays qui connaissent des difficultés. Enfin, les règles actuelles de l'Union interdisent toute possibilité de fédéraliser des dettes nationales, puisque, d'après les traités, il est impossible à l'Union d'emprunter et d'émettre des obligations en son nom.

Dans ces conditions, la colère des européens contre les agences de notation ressemble à celle d'un enfant qui, ayant construit un beau château de cartes sur une dune de sable, s'indignerait que la brise du soir puisse faire effondrer son bel édifice.

David Cayla est économiste à l'Université d'Angers.

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