mardi 12 juillet 2011

Hala Jaber du Sunday Times : « Oui, il y a des terroristes islamistes en Syrie »

Extraits d'une traduction d'Infosyrie :


Voici la traduction d’un fort intéressant article de la journaliste anglo-libanaise Hala Jaber, correspondante du journal britannique The Sunday Times et nommée journaliste de l’année 2003 par Amnesty International. A peine arrivée en Syrie, fin juin, elle a enquêté à Damas et dans le nord-ouest du pays, particulièrement touché par les troubles. Tout en soulignant la brutalité inutile et meurtrière des forces de l’ordre, elle pointe, et c’est un fait nouveau dans la presse occidentale, la présence d’extrémistes armés (et barbus), agents provocateurs s’employant avec d’assez gros moyens à faire dégénérer les manifestations au départ pacifiques. 
(...)
Ils sont venus par milliers marcher pour la liberté à Ma’rrat al-Nu’ man, une petite ville misérable entourée de champs de camomille et de pistaches dans la région troublée du nord-ouest de la Syrie. La manifestation a suivi une routine devenue familière à tous ceux qui y participent chaque vendredi depuis 11 semaines, et pourtant y participer cette fois requérait un courage extraordinaire.

La semaine précédente quatre manifestants ont été tués en tentant de bloquer la route principale reliant Damas et Alep, la plus grande ville du pays. Et la semaine d’avant, quatre autres avaient été tués.

Les habitants de Ma’rrat étaient à ce point furieux du sang versé par les mukhabarat – membres de la police secrète -, que des intermédiaires avaient proposé un accord aux deux camps. Quatre-cents membres des forces de sécurité avaient été retirés de Ma’rrat, en échange de la promesse d’une manifestation calme. Les forces restantes, 49 policiers et 48 réservistes, étaient confinés dans une caserne près du centre-ville. Mais au moment où quelque 5 000 manifestants non armés parvenaient à la place principale, ils avaient été rejoints par des hommes munis de pistolets.

« Des types barbus et armés à bord de pick-ups »

Au début, les chefs tribaux conduisant la marche ont pensé que ces hommes étaient venus armés pour se défendre si jamais une fusillade éclatait. Mais quand ils ont vu d’autres armes – des fusils et des lances-roquettes manipulés par des types barbus à bord de voitures ou de pick-ups sans plaques d’immatriculation – ils ont compris que des incidents étaient à venir.

La violence a éclaté alors que les manifestants approchaient de la caserne, où les policiers s’étaient barricadés. Quand les premiers coups de feu ont éclaté, les manifestants se sont dispersés. Quelques policiers ont pu s’enfuir par une porte à l’arrière de la caserne ; les autres se sont retrouvés assiégés.

Un hélicoptère militaire est envoyé en renfort. « Il s’en est pris aux hommes armés pendant plus d’une heure » a dit un témoin, un chef tribal. « Il les a contraints à utiliser contre lui le plus gros de leurs munitions pour soulager les policiers encerclés dans le bâtiment. »

Certains des hommes armés ont été atteints par les balles tirées de l’hélicoptère. Quand celui-ci s’est retiré, la foule s’est mise à attaquer la caserne. Une fusillade enragée s’en est suivie. Bientôt, quatre policiers et 12 assaillants étaient morts ou mourants. 28 autres policiers étaient blessés. Leur caserne était mise à sac et incendiée, en même temps que le tribunal et le poste de police.

Les policiers qui avaient échappé à l’attaque du 18 juin ont été cachés dans les maisons des familles qui avaient manifesté un peu plus tôt, selon le témoignage de ce chef tribal. Lui, ses fils et ses neveux ont récupéré 25 hommes et les ont conduits jusqu’au QG de la police d’Alep.

Vendredi dernier j’observais la dernière manifestation pour la démocratie à Ma’rrat. Seulement 350 personnes étaient présentes, pour la plupart des jeunes gens à moto qui fonçaient sur la grand-route vers une ligne de blindés garés au milieu de bosquets d’oliviers. Parmi ces irréductibles se trouvaient des militants barbus. Ils ont alors provoqué les militaires à grand renfort d’injures, qui les ont accueilli avec un grand stoïcisme. Les gens du coin m’ont dit que les blindés n’avaient pas bougé depuis qu’ils avaient pris position 18 jours plus tôt.

La raison de cette faible participation à la manifestation a bien été comprise par les chefs tribaux qui avaient organisé les précédentes marches, et qui espéraient qu’une réforme politique finirait par apporter l’argent du gouvernement à leur ville oubliée de 100 000 habitants. Des milliers de gens ordinaires qui les avaient soutenus préféraient désormais rester chez eux de peur que des éléments armés provoquent de nouveaux affrontements.

Des infos faisant état d’hommes armés tirant au milieu de manifestations dans au moins quatre villes semblent marquer l’émergence d’une nouvelle source de trouble dans un pays déjà déchiré par trois mois de troubles qui ont causé la mort de presque 1 400 personnes, et pas mal d’inquiétude chez ses voisins, d’Israël à la Turquie.

Des activistes interrogés la semaine dernière par le Sunday Times craignaient que ces hommes en armes – dont un certain nombre de djihadistes – divisent l’opposition et donnent aux forces de sécurité syriennes un prétexte pour continuer à tirer sur leur propre peuple.

« J’ai entendu des officiels reconnaître leurs erreurs »

Je suis arrivé à Damas mardi dernier, le premier journaliste occidental à entrer en Syrie avec l’assentiment des autorités depuis que les troubles ont débuté. De hauts responsables m’avaient promis que je pourrais me déplacer et travailler librement.

Histoire de les mettre à l’épreuve, je me suis entretenu avec des figures de l’opposition et des militants aussi bien qu’avec des membres du gouvernement de Bachar al-Assad. J’ai trouvé un pays dont l’ardente population est de plus en plus déterminée à assurer un changement, et dont les dirigeants semblent ne pas savoir comment lui répondre.

Ce n’est pas, je le précise, grâce à des sources gouvernementales que j’ai pu établir la présence d’extrémistes, mais grâce à des personnalités de l’opposition et à mes propres yeux.
(...)


Source : InfoSyrie.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire