lundi 8 novembre 2010

L’Amérique risque son dollar dans une relance massive

A quelques jours du G20, les Etats-Unis ont décidé d'injecter dans leur économie 600 milliards de nouveaux dollars à rebours des politiques restrictives menées en Europe. Le plan de relance est censé redonner espoir aux Américains englués dans la récession et redonner un nouvel élan à l'industrie américaine. 

(...) en injectant pour 600 millions de nouveaux dollars dans l’économie étasunienne, et donc dans l’économie monde, ce que les économistes nomme « quantitative easing » (QE2) va déprécier la valeur réelle d’un billet vert de près de 20 %. Un joli coup de pouce en perspective pour la compétitivité des produits « made in USA ».

(...)  une relance monétaire. Autrement dit, l’enfer selon les monétaristes néo-libéraux.

Très officiellement il s’agit de financer une sorte de plan relance. Ben Bernanke, le patron de la Fed, la banque centrale américaine, expliquait ainsi sa politique dans les colonnes du Washington Post de jeudi 4 novembre: « Des prix en hausse sur les actions augmenteront la richesse des consommateurs ainsi que leur niveau de confiance dans l’économie, ce qui peut également stimuler les dépenses. L'augmentation des dépenses entraînera une augmentation des revenus et des bénéfices que, dans un cercle vertueux, continuera à soutenir l'expansion économique ».
Et ca marche. A preuve l’envolée des bourses New York et dans leur sillage celles des autres capitales financières. (...)

Guido Mantegua est d’ailleurs parmi les premiers politiques de premiers plans, a avoir réagi : « Tout le monde veut que les Etats-Unis se redressent, mais cela ne fait de bien à personne de jeter des dollars par hélicoptère. » L’attaque vise sans le nommer Ben Bernanke, qui avait évoqué, dans sa thèse de doctorat,  ce lâchage massif de monnaie par hélicoptère. Pour le géant d’Amérique du Sud, comme pour le Japon et l’ensemble des pays de l’Asie du Sud Est, l’heure est grave. Avec la liberté de circulation des capitaux, ce sont des montagnes de dollars qui viennent s’investir dans leurs pays.
(...) en fait d’investissements, il s’agit surtout de mouvements spéculatifs, (...) recyclage des montagnes de dollars sous formes d’autres actifs, ou d’autres monnaies.  

En gros les investisseurs misent sur une baisse du billet vert. Du coup, ils empruntent en dollar (c’est pas cher, presque gratuit), convertissent ces billets en real (monnaie brésilienne) et investissent éventuellement dans les matières premièresRésultat : les monnaies de ces pays émergents, comme celles du Japon et de la zone euro, s’envolent… (...) 

Outre Atlantique, 30 années de priorité accordée à la finance ont détruit l’industrie. (...)
Évidemment, l’objectif de la Réserve fédérale est bien de générer un effet richesse en gonflant la valeur des actifs financiers et des prix immobiliers. Et par ricochet de cet effet richesse, stimuler les dépenses de consommation et d’investissement. Politique qui au passage prolonge celle, catastrophique, de l’ère Greenspan au milieu des années 90 débouchant sur la crise financière.
Mais l’effet final recherché est bien la baisse structurelle du billet vert, histoire de redonner des couleurs aux exportations américaines. Mais pas que. Ce n’est que le second plateau d‘une même balance. La réduction des importations est aussi un objectif. (...)

Les pays émergents, ainsi que le Japon ont bien compris le message. Et leurs réactions sont à la hauteur. Le Brésil, la Thaïlande ont par exemple déjà mis en œuvre des politiques limitant l’entrée des capitaux sur leurs territoires. En Chine, c'est inutile car la circulation monétaire, comme le taux de change du yuan sont à l’image des libertés publiques : très encadrées par le PCC. (...)
Points communs entre ces pays ? Ils produisent des biens qui n’entrent pas en concurrence frontale avec l’appareil industriel américain (pour faire simple, des biens incorporant de faibles quantités de valeur ajoutée).

Ce qui n’est le cas, ni pour le Japon, ni pour la zone euro, qui sont les deux principaux concurrents industriels de l’Amérique. Mais si le Japon a réagi, la zone euro semble étrangement muette, comme d'ailleurs pour tout problème monétaire. (...)


En Europe, rien ou si peu. Il faut dire que l’Union porte assez mal son nom en ce moment. L’Allemagne fait cavalier seul, tandis que Jean-Claude Trichet, encore aveugle ne voit « aucune raison de penser que la Réserve fédérale et le secrétaire au Trésor poursuivent une stratégie de dollar faible ». (...)

Emmanuel Lévy

Source : http://www.marianne2.fr/

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